expographie 1

Pierre Fraenkel prend la peinture dans l’espace public.
Le préalable consiste à recouvrir d’un champ opératoire les messages du sexe à distance et ceux du politique sans recul qui se partagent l’exclusivité des panneaux d’affichage pourtant dédiés à l’usage de tous.
Notre artiste y vient ensuite calligraphier un malentendu qui signifie l’œuvre en en exposant les moyens. Ces moyens sont accessibles à tous et rappellent à la propriété collective dont dépendent ces surfaces. Toi aussi, tu peux. Si tu veux.
Pierre Fraenkel n’est pas davantage propriétaire des supports qu’il utilise qu’il ne l’est de son style. Il ne s’approprie que les propositions verbales prélevées dans l’inépuisable bassin des lieux communs de l’expression populaire.
L’artiste et le poète, simultanément, s’emparent de propositions communes et désinvoltes afin de les retourner comme on le ferait d’une veste : pour voir ce qu’il y a dedans.
La poésie dont il est question ici a la faculté du contre-emploi.
Sylvain Sorgato

Les Mots Menthe
2009
peinture acrylique
affichage libre, Mulhouse

En premier lieu il s’agit de peindre, assez vite, et en place publique.
De peindre des lettres, des lettres peintes qui font des mots et des propositions.
Peint à l’arrache, sans réel souci de qualité mais avec une attention au style, repérable, la marque du peintre.
Une peinture pas très comme il faut, et qui représente nettement l’acte de peindre, de peindre vite.
En second lieu il s’agit d’un vocabulaire, et d’une syntaxe, tellement estropiée qu’elle crisse les yeux bien éduqués.
Faciles à contester (non, ça n’est pas du Français), les propositions sont autant d’outrages à la langue française. Outrage aux règles, à la scolarisation, et même au contrat social qui nous lie par le langage.
Un troisième lieu c’est celui des panneaux de l’affichage libre. Destinés aux associations et régulièrement tartinés par le politique. À la marge des affiches du commerce, témoignage disparate d’activités désintéressées ou non lucratives, ces panneaux ont tendance (contrairement à la législation) à disparaître au fur et à mesure que l’on s’approche du centre des villes et de ceux du commerce.
Il s’agit d’une peinture performative, comme on la voit, elle est faite, et à ce titre repose sur une Histoire et sur une éthique. L’histoire de la peinture, et la transparence du geste de peindre. Comme on la voit elle est faite et vous pourriez la faire.
Il s’agit, en le massacrant, de s’approprier le langage et le vocabulaire, en tant que ciment social largement subtilisé par les juristes et galvaudé par les médias.
Il s’agit de se réaproprier la place civile, et c’est à cela que peut participer le geste qui prétendrait mettre l’art dans la rue.
J’en ai rêvé, Frankel l’a fait(e) : une peinture Dada.
Sylvain Sorgato

peinture acrylique sur panneau d'affichage libre
Strasbourg, 2011

Rien écrits (d'après des fée réel), 2011
peinture murale, C.O.N.S.O.L.E., Paris