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Sylvain Sorgato
Le Lebensreform, qui peut être traduit par « réforme de la vie » désigne une nébuleuse d’initiatives (sans organisation centralisée) apparues en Allemagne et en Suisse à partir de 1892. Le Lebensreform repose sur une critique parfois radicale des méfaits de l'urbanisation et de l'industrialisation de la société, critique portée par un « retour à la nature » vu comme une promesse de salut.
Le “retour” invoqué n’est pas à prendre comme une régression, il s’agit pour les adeptes du mouvement d’adopter les découvertes scientifiques et techniques les plus récentes (physiologie, psychologie, médias) pour les mettre au service d’un développement harmonieux de l’humanité, plutôt qu’au profit exclusif de l’essor de l’industrie et du capitalisme.
Le Lebensreform génère des expériences communautaires, des parcours individuels, et anime le débat intellectuel et politique de la germanité jusqu'au milieu du XXe siècle.
Ils croyaient que la civilisation moderne, l’urbanisation et l’industrialisation avaient éloigné les êtres humains de leurs conditions de vie « naturelles », les conduisant sur la voie d’une dégénérescence progressive qui ne pouvait être inversée qu’en vivant conformément à la nature de l’homme et de la femme.
Michael Hau
The Cult of Health and Beauty in Germany: A Social History, 1890–1930
L'idée centrale tient dans la propositions suivante:
l’adoption d’un mode de vie global, empreint de sobriété aussi proche que possible de la nature, et aussi éloigné que possible des villes qui sont vues comme toxiques, aliénantes et traumatisantes.
Ce mode de vie prône une nourriture saine, le naturisme, la gymnastique, l’union libre, les médecines alternatives et les vêtements amples. Sont bannis la viande, l’alcool, le tabac, les médicaments, et tous les produits industriels ainsi que le logement et la pédagogie.
Le mouvement s’accompagne par ailleurs du développement d’une religiosité parallèle, synthétisant souvent le spiritisme et la théosophie et intégrant des éléments pris dans les philosophies orientales comme la pratique du yoga ou le taoïsme.
Les grandes figures du mouvement élaborent des théories sur la santé et la maladie et fondent leur hygiène de vie et leurs thérapies sur les éléments naturels que sont l’eau, la lumière, l’air et le mouvement.
Fondé sur un passage à l’acte en faveur d’une vie voulue plus saine, la Lebensreform s’engage dans les voies de l’action directe sur la société. Confrontés à une situation politique appréciée comme bloquée, statique, ou enferrée dans des prises de position mortifères, les adeptes de ce mode de vie tentent d’agir sur les personnes en commençant par eux-mêmes, éventuellement dans une attitude collaborative, en assumant la conduite de son propre destin. A titre d’exemple, le choix du végétarisme allant à l’encontre de la tendance majoritaire, déployé entre une perception nouvelle du monde animal et des conceptions scientifiques hygiénistes est une illustration de ce mode d’action directe.
Par ailleurs, l’analogie entre le corps individuel et le corps social est sans cesse présente, et illustre l’idée qu’il ne peut y avoir de corps social sain qui soit composé de corps individuels corrompus.
